lundi 16 mai 2011

Paques

Cette fois, on ne m’y reprendra plus. Quand la jeune femme qui nous accueille pour la nuit nous dit que les quetzals, ces oiseaux mythiques adores par les mayas, « peuvent » se voir « peut être » à 5 heures du matin « si on a de la chance », je flaire le coup tordu. Nous sommes dans les hauteurs guatemaltaises depuis peu, dans le biotope des quetzales. Enfin un peu de fraicheur. A mesure que la route s’est mise à grimper, la température a fait strictement l’inverse pour notre plus grande satisfaction. Du coup, nous jouons avec l’air qui court dans nos doigts le long de la route. Nous perdons 20 degrés. Dingue. On finira même par ressortir couettes et polaires.

Biotope QuetzalMathis et Arnaud se lèvent donc à 5 heures du matin tandis que Gabriel et moi, remontons notre couette sous notre menton avec un soupir de satisfaction. Allez donc traquer la bestiole à plumes. Nous on préfère l’oreiller en plumes. Puis le soleil se lève et nous avec. « Alors ? zen-avez vu ? » « naaaan … ». Tiens donc. Oh ben ça c’est pas de bol dis donc. « le mieux c’est de les voir sur les billets de banque hein ? ». Oui, le Quetzal est représenté sur les billets guatémaltèques et la monnaie en porte même le nom. Oiseau timide ou capricieux, va savoir. J’en profite pour râler sur le Guide du routard qui prétend que nous sommes dans la bonne saison pour en voir tandis que le local nous dit que c’est en septembre. Le routard en a vu plein ici. Le local en voit peu. Je me demande bien qui je vais croire ? Voyons…

Puisque nous sommes au frais, nous restons deux jours sur place. C’est fou ce que les journées passent vite quand on ne fait rien. Enfin si. On range. On astique. On fait les devoirs. On papote. On mange des crevettes sautées à l’ail. On trie nos photos. On joue. Et puis je me décide à laver un truc ou deux à la main. Il faut bien que je me mette aux habitudes locales. En effet, peu de guatemaltais sont équipés de machine à laver et encore moins de sèche-linge. En témoignent, les nombreux vêtements qui s’accrochent à des cordes le long des maisons du pays ainsi que les lavoirs en pierre où les femmes nettoient dans la bonne humeur le linge de leur famille. Je m’y mets donc. Le lavoir est alimenté en eau par un tuyau qui vient directement de la rivière. Fraiche donc et pas sûr qu’elle soit complètement propre. Allez on fait comme si. Je savonne et je touille. Je frotte à droite, à gauche et je re mouille. Je soulève et je retrempe. Au bout de 2 minutes, une pensée vient irriguer mon cerveau : « ‘tain c’est chiant … ». C’est peu poétique, certes. 2 tee shirts et une serviette plus tard, je décrète que le reste peu attendre.

La route qui mène à Antigua est un calvaire. Trous. Bosses. Morceaux de route qui essaient de s’enfuir. Chaleur. Camions qui nous doublent impoliment. Et puis Guatemala city que nous traversons presque. Je crois que –de mémoire-, nous avons rarement vécu des périodes de stress comme celle du passage au travers de cette ville. La route qui nous mène d’un bout à l’autre ressemble au péage de l’A10 au retour de vacances. Plenty of people. Nous sommes cul à cul, coude à coude, nez à nez et même en nous concentrant bien fort, difficile d’avoir plus de place. Le camping car frôle absolument tout ce qui peut se trouver de part et d’autre de ses flancs à 20km/h. Ça me fait penser à une BD de Gaston Lagaffe : ce passage où il conduit sa voiture faiblarde en rase campagne avec son collègue à lunettes à ses côtés. Celui-ci lui dit tout en se penchant par la fenêtre « accélérez Gaston que je puisse cueillir une pâquerette ! ». Ben là c’est pareil sauf que ma pâquerette à moi, c’est un policier qui s’ennuie sur le trottoir. Sans sortir de mon véhicule, je me penche par la fenêtre : « dites, c’est par où Antigua ? » « todo derecho ! » (tout droit). Tu parles. On n’a pas la même notion de droiture chez nous. On se perd. Et c’est le début du cirque de ceux qui se perdent : demi-tour 1, suivi de demi-tour 2, suivi de arrêt 1 avec « vérification-gps-carte-hein quoi ? », suivi de « pardon monsieur… », suivi de « zut on n’avait pas le droit de tourner là… » et le final « pourvu qu’aucun flic n’aie vu ça… ». Et puis bingo. C’est bon. Antigua on te tient. Ne bouge pas. On arrive. On voyage alors dans la montagne et nous gagnons en altitude beaucoup trop rapidement pour mes sinus. Arnaud prend le relais car la migraine ophtalmique m’a eue. Toute la soirée, Arnaud contemple une épave de bonne femme étalée dans son lit : moi.

Clown a AntiguaUne nuit dans un parc puis nous allons au centre ville. La ville se prépare à la semaine sainte et d’ici demain, de nombreuses routes seront condamnées pour laisser passer les processions. La Police touristique nous accueille avec beaucoup de gentillesse. Leur QG est un très grand espace où motos et voitures de polices sont garées sous de petits préaux et il y a à l’arrière un endroit réservé aux campeurs. Bientôt cela se transformera en Parking municipal à l’occasion des festivités. L’endroit n’est pas très glamour : déchets déci delà, sanitaires plutôt vétustes … mais il est sécurisé et en plein centre ville (et gratuit ! avec eau et électricité).

Nous y retrouvons nos joyeux néo-zélandais et faisons la connaissance d’un couple de québécois : Marco et Sarah qui voyagent en combi Volkswagen. Les 2011_04_27_IMG_4042Pomels sont là également bien entendu. Tout au long de ces 10 jours ensemble, nous apprécieront leur compagnie à l’occasion de diner pizza, d’apéros, de restaurant ou de balades ensemble.

Avant de visiter véritablement la ville, nous décidons de voir le volcan Pacaya, situé à proximité. Une agence organise l’expédition et mandate un chauffeur de bus pour nous conduire sur les lieux. Nous sommes une quinzaine à l’intérieur d’un très mini bus qui tourne et tourne encore dans les montagnes. 1 heure plus tard, un guide nous accueille pour l’escalade qui durera bien 2-3 heures. Bon d’accord, ce n’est pas vraiment une escalade mais une grimpette soutenue. Le genre qui vous fait regretter de ne pas faire de sport le reste de l’année, voyez ? 2011_04_20_IMG_3443et ce qui est énervant dans ces situations là, c’est qu’il y en a toujours dans le groupe qui montent comme s’ils avaient fait ça toute leur vie pendant que je souffle, sue et rougis en maudissant l’angle à 30 degrés qui se présente sous mes yeux. D’accord je prends un cheval mais c’est vraiment parceque vous insistez. Mathis en profite aussi.

Les abords du volcan sont noirs et tous pelés. Nous zigzaguons entre les morceaux de lave séchés. Le ciel est assez couvert et nous ne voyons pas la cime. Puis, dans une crevasse encore chauffante, nous faisons griller des chamalows sur des bâtons de bois. Pas parce que c’est bon, mais parce que c’est rigolo, non ? Volcan PacayaUn petit gouter et une pause plus tard, nous repartons alors que la nuit tombe. Le ciel se dégage brièvement et enfin, nous voyons le haut du volcan dans toute sa splendeur. Pacaya a craché ses boyaux, il y a moins d’un an et pour éviter d’avoir un barbecue de touristes, nous ne sommes pas autorisés à aller plus loin. Le chemin de retour se fera en pleine nuit, torche à la main. La poussière se soulève copieusement sous nos pieds et Mathis arrivera en bas, le nez tout noir. Nous reprenons notre mini bus pour regagner Antigua. Rapidement je me sens nauséeuse. Des lacets serrés en pleine nuit sans trop voir l’extérieur avec le plafond ou les oreilles du passager de devant comme repère, c’est pas terrible. J’ouvre la fenêtre. Je vais prendre un bol d’air frais. Ou de mazout, Volcan Pacayaplutôt. C’est vrai qu’il y a du camion qui souffle copieusement sur cette route. Gulp. Mon objectif de l’heure suivante est de ne pas vomir. Je n’ai pas envie de me taper la honte devant 15 personnes dont je ne connais pas le quart. Et bien ça demande un conditionnement mental ultra sophistiqué, je peux vous dire.

Et puis enfin, le chauffeur nous dépose dans le centre et je reprends ma couleur originelle. Il est 20h00. Certaines routes sont barrées à la circulation. Nous croisons des gars déguisés en romains avec leur balayette sur la tête et leur jupette. « bah ? c’est quoi le rapport avec les romains et la ville ? » dis-je crétinement  (et non pas chrétiennement…. Ouarf). « Oh ! Estelle quand même ! ». « Ah ! oui ! les romains, pas sympa, jésus, la croix tout ça… » Arnaud se moque de moi mais quelques jours plus tard il me dira « et les rois mages c’est quand ?…. ah, non ce que je peux dire comme conneries des fois. C’est à noël. Là c’est paques… ». Heureusement qu’Alain Decaux, le fameux historien, ne nous a pas entendu, parce que devant notre bêtise crasse, il en aurait mangé ses lunettes…

AntiguaLa ville, pendant ces quelques jours de célébration se transforme. Les guatemaltais affluent de tout le pays. Il y a bien sûr quelques touristes mais relativement peu. Sur la place centrale, des vendeurs ambulants sollicitent les passants : ballons, joujoux, tacos, colliers, foulards… tout se vend. Des femmes vendent des épis de maïs bouillants dans des marmites à même le trottoir. Des enfants se goinfrent de mangues assis par terre en s’en mettant plein les joues et le nez. Sur la place des églises, c’est encore une autre ambiance : de nombreux étals proposent des sandwichs, des grillades de saucisses ou de viande, des soupes, des tortillas ou des churros. Et l’odeur délicieuse nous fait ralentir le pas et déambuler entre chaque stand en observant ce petit monde vivre ensemble. Et partout un son entêtant et joyeux: celui des clochettes des marchands de glace qui, accrochées aux carrioles, sursautent à chaque roue qui tourne sur les pavés.

De très nombreux policiers sont présents presque à chaque coin de rue et ce, jour et nuit. Sur leur voiture est écrit « je suis fier d’être un policier et de protéger et servir le tourisme ». On les prend au mot : « dites, c’est pas où les toilettes ? ». Il est vrai que les enfants ont toujours envie de faire pipi environ 10 à 15 minutes après avoir quitté le CC. Même en ayant déjà été aux WC avant de partir. Pourquoi donc ?

AntiguaLes processions sont magnifiques. Les premiers jours, un tiers de la ville est habillée en violet, aussi bien les bébés que les personnes âgées. De longues tuniques couvrantes accompagnées d’un tissu coordonné sur la tête. 2 jours à porter a bouts de bras, des reliques en bois et cire, au rythme de la grosse caisse qui cadence le pas des pèlerins. Jésus vêtu de velours rouge, porte sa croix, et le peuple le suit dans ses efforts avec dévotion pour certains et curiosité pour d’autres. Parfois ce sont de véritables orchestres qui les accompagnent. Plus tard ce sera le deuil symbolise par les vêtements noirs que chacun porte. Des centaines de mètres de processions suivent une multitude de parcours au travers de la ville et ce, de 4 heures du matin à 23h00. Et puis l’encens se diffuse partout dans un bal de fumée blanche que les jeunes balancent de gauche à droite. Des pétards fusent méthodiquement comme ultime illustration de cette semaine sainte.

La nuit venue, la beauté du spectacle en est encore rehaussée. Rigolo de voir le Christ illuminé et un petit gars qui pousse un générateur sur roue, casé entre deux pèlerins. Ca jure un peu avec le reste !

A certains endroits, les habitants de la ville créent sur le sol de véritables tableaux colores faits en sable et en fleurs. Souvent ce sont des jeunes femmes, qui, accroupies ou assises sur le sol, passent des heures à parfaire leur illustration. Beaucoup de travail pour des œuvres éphémères car elles seront foulées par les porteurs de reliques plus tard dans un désir de bénédiction. Une fois la procession passée, les balayeurs Antiguadéboulent pour nettoyer le sol en moins de 5 minutes.

Entre deux processions, nous vagabondons dans Antigua. D’anciens tremblements de terre ont eu raison d’un couvent et de certaines églises. Des petits magasins d’étoffes artisanales côtoient Mac Do ou Burger King. Peine perdue de chercher des œufs de pâques pour les enfants. Nous trouvons quelques babioles qui les contentent modérément. Nous allons au supermarché à pied. Depuis l’entrée au pays, nous avons du mal à trouver de la viande correcte. En vrac dans un congélateur, a même les parois, elle a une couleur suspecte et ne donne pas très envie, pas plus que le jambon ou les surgelés. Nous passerons donc pas une période de « boffitude culinaire » et nous rabattrons fréquemment sur les tacos des petits restaurants pour le plus grand désordre de nos boyaux. Et après 4 mois de Mexique et 1 mois de Guatemala, je peux vous dire que les tacos… ben y en a marre !

A la fin des festivités, alors que le Christ est ressuscité, nous reprenons la route en nous séparant des Néo-Zélandais avec qui nous envisageons un « home exchange » un de ces jours et nos amis canadiens que nous retrouverons par le plus grand des hasard au Mexique.

Merci pour vos emails et commentaires. Cela nous est très précieux et nous sommes très heureux de voir que vous ne nous avez pas oublié. Bisous à tous.

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