lundi 18 octobre 2010

La Colombie Britannique a de quoi être fière. Cette région la plus à l’ouest du Canada est aussi une des plus vertes : de nombreuses vallées, ruisseaux ponctuent notre route jusqu’à Vancouver. La transition avec les sublimes paysages des rocheuses n’est donc pas trop abrupte. Quelques hectares cependant ont visiblement souffert d’incendies il y a quelques années. Les ruisseaux sont pleins de saumons et la pêche est un sport régional à fort succès ici. Vous ne verrez pas de photos car c’est moi qui conduit et que je ne peux pas tout faire en même temps. ;)
En bons SDF que nous sommes, nous dormons sous un pont à Vancouver pendant plusieurs nuits. Et dire que nous avons payé pour ça. On perd vraiment la tête. Pour le même prix, on a eu droit au ramassage de gravats délicatement déposés au fond d’une benne au milieu de la nuit et aussi au marteau piqueur à l’aube. Sans oublier évidement le bruit de l’autoroute. On est tellement près de la voie qu’on pourrait presque nettoyer les pares brises des automobilistes pour quelques dollars. Le camping est tenu par des indiens visiblement sourds. Ils ont bien essayé de nous ramollir l’esprit avec le jacuzzi mais ça n’a pas marché. Enfin pas plus de 1h. En fait nous avons atterrit là parce qu’on n’a pas eu le choix : les walmart ici sont racistes du CC. Pas de stationnement possible au-delà de 3h. On en a cherché plusieurs. On s’est fait jeter 4 fois.
Arnaud veut bien qu’on se paye un hôtel mais il a trop peur qu’ensuite nous ne voulions plus revenir dans le CC. C’est pas bête…


Vancouver est ma ville coup de cœur. Je n’en ai pas vu grand-chose sauf ce qui était lié à nos activités : un magasin de photocopies, un starbuck, une librairie, une station essence, des toilettes de centre commercial, un cyber café et un bureau de poste. Et des rues. Avec des beaux immeubles. Un port de plaisance. Ah et aussi le parc Stanley, énorme, beau, entouré de la mer et le biodome du parc Queen Elizabeth.

La ville est très verticale, et ce qui frappe ici, ce sont deux choses : la densité de la population est équivalente à un Paris en été, du coup on se marche pas dessus aux passages piétons. Il y a aussi le fait qu’une personne sur trois est de type asiatique. Très friendly, ces gens là. John nous aborde devant le biodome et nous tape la discute pendant 20 minutes. Il passe tous ses étés en Europe. (il est riche ou quoi ?), il adore notre CC, il vit ici depuis 2 ans et va skier à 30 minutes de là, de novembre à juin. Cool quoi. La vie à Vancouver est très sympa selon lui. Mais pourquoi diable les gens veulent-ils savoir combien consomme notre moteur ? on s’en fout non ?

A
près une petite balade fraîche et nuageuse dans le parc (sublime par ailleurs), nous visitons le biodome, destination voulue par les enfants. « Vous êtes sûrs ? il n’y a que des plantes et des oiseaux là bas, c’est ça que vous voulez voir ? ». On n’a vu que des plantes et des oiseaux là bas. Joli tout plein tout de même. Mais en se plaçant bien au centre et en tournant sur soi même, on a presque tout vu en 5 minutes tellement c’est petit. Ambiance tropicale, des perroquets qui nous volent au dessus de la tête… et un plus doué que les autres, qui répète en boucle « what aaaarrre you doiiin’ ? » (qu’est ce que tu fais ?).


Pour le reste, il est mondialement connu que la pluie et 12 degrés n’incitent pas au tourisme. Donc on va pas s’inciter, hein.

Dans un centre commercial, pendant que j’attend Arnaud et les enfants, je me fais hâper par une vendeuse de produits sur un petit kiosque. Elle tient absolument à me vendre des produits pour faire briller les ongles. J’ai beau lui dire que je n’en ai pas besoin et que je ne suis pas une cliente potentielle, elle continue de me faire son show. Pourtant, il n’est pas difficile de voir que mes ongles et moi c’est « je t’aime moi non plus » et qu’avec mon polaire, mon pantalon de GI jane, et mes cheveux en bataille, j’ai sûrement autre chose à penser que la couleur et la texture de mes ongles. La demoiselle est bonne commerciale mais elle n’a aucun flair. C’est bête hein ? . Tant d’énergie pour aucune vente. Ça me fait penser à ce dialogue très connu « Comment on devient chef, chef ? » « le flair… ». Le flair ne s’apprend pas. Pas de bol miss. Et puis je me dis que vraiment ya des jours où on aimerait bien dire le fond de notre pensée comme elle vient. Genre « j’en ai rien à faire de tes produits et tu me gonfles ».

Oui finalement qu’est ce qui nous empêche d’être francs dans la vie et de dire des trucs du genre « J’aurais plus de plaisir à me pendre qu’à venir déjeuner chez vous » ou « dégage de mon espace vital » ou « ce que tu me racontes est totalement inintéressant » ou « patron, t’es vraiment le roi des crétins ; j’enfoncerais bien mes doigts dans tes orbites jusqu’à ton cerveau, si je le trouve» ou même « t’es un p’tit canon, je te mangerais bien tout(e) cru(e) au petit déjeuner ». hein ? quoi ? Ah oui, le droit civique, la politesse, le respect des autres tout ça… Mais quand même ya des jours ça démange.

Trop de grisaille, de nuages, de 12 degrés, de beurk, courage fuyons. Ça va bien l’air frais Canadien. D’accord, ça raffermit les tissus mais après réflexion , je préfère mes tissus un peu plus ramollos. Question de confort. Après 11 563 kilomètres et 55 jours, nous quittons le Canada. Adieu wapitis, sirop d’érable, québécois et lacs bleus topaze. Nous reviendrons à la retraite, en CC et avec les copains.




Nous partons pour les USA. (Ben oui où sinon ? le pole nord ?) Enfin, nous essayons. Déjà pendant qu’on fait la queue docilement à la frontière, 3 gars arrivent en courant, avec un chien en laisse et tournent autour des voitures. Vas y cherche. Crane rasé, matraques à la ceinture, habillés de noir et godasses montantes... Ça donne le ton. Nous sommes tombés sur un nid de douaniers sévères. Pas de bol. 1h 30 de questions posées par 3 agents différents, tous plus zélés les uns que les autres…ça use, ça use…

Le gars veut des preuves de solvabilité, de retour en France et de propriété. Rien que ça. J’attend le moment où il va me demander quel est mon groupe sanguin et si je peux justifier l’élection de Sarkozy. Il nous fait tellement bien l’article du mec qui protège son pays contre les envahisseurs, que j’en viens à me demander si les douaniers ne font pas pipi tous les matins sur la ligne frontalière pour délimiter leur territoire.

J’avais bien prévu une photocopie de l’attestation de propriété mais le gars se fout de moi, elle date de 2006. Ben oui, c’est l’année où on a acheté la maison, patate. On va pas la refaire tous les ans pour faire plaisir à un douanier américain avec un prénom ridicule tout de même ! Il s’en fout. Pas assez récent. Combien on a en banque ? ben vas sur internet, consulter notre compte. Non ?. Bon. Il veut une preuve qu’on ne va pas déménager aux USA et trouver un job. Tu rigoles ou quoi !. Non ?. Bon. Il veut un document avec tout notre itinéraire détaillé. Ben si on en avait un, on serait contents. On sait grosso modo. Non ? Bon. Il veut savoir précisément combien de temps on va rester aux usa. Bah pas plus de 3 mois ? non ? bon. Pas assez précis.

Heureusement le gars de l’inspection des fruits et légumes est sympa. Il nous complimente sur notre CC et son design. Il nous parle du Pérou qu’il a adoré…ça console. Un peu. L’autre gars veut rien savoir. On lui pose un sérieux problème. Il nous envoie nous asseoir à l’autre bout de la salle. Allez au coin, vilains vilains français. Et réfléchissez à ce que vous venez de faire.

O
n voit le moment où on va nous dire « pas de preuve, pas de chocolat » et où le voyage va s’arrêter, puis le gars nous fait revenir. Avec un ton de maître d’école, il nous dit qu’il croit notre « histoire » mais « que la prochaine fois » il faudra tout un tas de papiers (relevé bancaire, billet d’avion, contrat de location de la maison, attestation de propriété, itinéraire précis, date de départ des usa, feuille d’impôt …) parce que sinon panpan cucul. Vilains que nous sommes. Il en rajoute une couche en nous disant que le 6 janvier à 00h00 on est « illegal ». Sympa comme mot de bienvenue. J’aime pas les douaniers. Sauf ceux des fruits et légumes.

Après avoir joué au chat et à la souris pendant 90 minutes, on obtient ces p… de cartes vertes pour 3 mois. On sort de là avec l’impression d’avoir mendié ou mieux, d’avoir mis les doigts dans le pot de confiture et de s’être fait prendre. Je vais ruminer ces échanges pendant un bon moment. On a passé la frontière déjà 2 fois et on n’avait pas eu droit à tout ce tralala. Ils se la pêtent un peu aux USA tout de même.

Même si les températures sont un peu plus douces, la pluie nous colle au pot d’échappement sans discontinuer pendant des jours et des nuits. Eh oh ! la mousson c’est de l’autre côté de la planète !!! Je sens l’angine qui menace et la rhinite qui m’agace. Je me gave de médocs mais qui de nous deux va gagner ? Au supermarché, il y a des rayons entiers de médicaments sans ordonnance : des trucs pour les os, augmenter ses globules rouges, de la mélatonine en boite, des vitamines de sportifs, des trucs pour améliorer sa vue, pour le foie, le cœur, la silhouette, le cerveau… des trucs de dingues. Je repars crétinement avec des pastilles pour la gorge avec le sentiment d’avoir loupé la chance de ma vie.

Le mal être physique et la dégoulinade de pluie à l’extérieur me sapent le moral. On roule sous la pluie pendant des heures. Vous êtes heureux dans la vie ? venez donc passez 5 jours et 5 nuits sous une dégoulinade de pluie en CC et vous m’en direz des nouvelles ! Qu’a-t-on vu sur la route ? aucune idée. Des trucs et des machins. Gris. Quand il pleut je suis en mode « veille ». Tout m’indiffère. « s’il pleuvait pas, ce serait beau comme région, hein ? ». Ouais m’enfout. Vivre sans soleil, c’est mourir un peu chaque jour. Quand on voyage en CC, on est excessivement sensibles à son environnement. A Paris, qu’il pleuve, on s’en fout à peu près. La journée on est enfermés dans un immeuble, le soir, on retrouve Claire Chazal les chaussons au pied et tout va bien. En cc, c’est pas pareil. La pluie, on a l’impression de se la trimbaler sur soi. Comme un petit escargot qui n’a rien demandé. On a l’impression d’être humides comme un bébé pas propre. C’est aussi comme quand on va au lavomatic pour laver sa voiture aux gros rouleaux. Vous savez, quand l’eau dégouline de tous les côtés et qu’on regarde ça planqués à l’intérieur du véhicule. On trouve ça rigolo. Ben nous c’est pareil mais C’EST PAS RIGOLO !! Arnaud me jette des regards inquiets. Mais je serre les dents.

L’Oregon nous surprend finalement. Ce n’est pas –en fin de compte- l’état le plus pisseux des USA. Non madame. Il suffit de s’éloigner des terres et de longer la côte sur l’autoroute 101. Soleil, mer, falaises. La totale. Même le Nutella commence à se détendre. Une route sublime parmi les arbres avec vue sur une mer légèrement couverte de brume.


Nous observons du haut de la falaise, la plus grande colonie du monde de lions de mer. Ces animaux là ont le sens de l’humour. Ils se fendent la gueule. On les entend se marrer de bon cœur « ow ow ow ! ». On les retrouvera à Crescent city à côté d’un bar sur un quai. Toujours à se marrer.

Les jours qui suivent, on traînasse le long de la côte. On roule. On s’arrête. On regarde. On s’extasie. On repart. Le soir on dort dans des campings vraiment moins chers qu’au Canada. De toute façon, on n’a pas le choix, les walmart continuent de nous faire la gueule. Pendant que je fais la popotte, Arnaud se bat au poker avec ses enfants. Je ne sais pas qui gagne mais il y a pas mal d’animation dans nos 12 m².

Et puis nous changeons d’état. Nous arrivons en Californie. « c’est le moment de mettre les mama’s and papa’s ! » me dit Arnaud. OuJulien Clerc ? « La caaaaalifooornie
».
Non d’accord plutôt les mama’s.


Sauf qu’ignares que nous sommes, nous ne savions pas que quand on change d’état aux USA, on trouve qui ? hein ?? C’est qui qu’on trouve encore ? les douaniers bien sûr ! Ah ben ça c’est une surprise ! Vous ici ? je vous croyais ailleurs. Question sur les fruits et légumes transportés. RAS. Bizarre tes questions. Tu crois que mes pommes je les ai achetées au Népal ?. On passe. « Ben à quoi ils servent ceux là ?». Plus tard on découvrira que c’est le pays de la Liberté. De faire tout ce qui n’est pas interdit.

Nous arrivons dans la forêt de Redwood, la forêt des arbres millénaires. Le petit vieux de l’office du tourisme se délecte à nous raconter qu’il a dormit dans une maison hantée en France. Du côté de la loire. Chépa où. Il taquine Arnaud sur son anglais. Qui ne peut pas le taquiner en retour parce qu’il ne sait pas parler. Il expérimente la frustration linguistique. Il nous indique les principales curiosités du coin. Nous partons donc dans un chemin au milieu de la forêt. Hyper étroite et assez « bord de précipice » à mon goût. Le genre de petite route où on pleure quand on rencontre quelqu’un en sens inverse et où on maudit celui qui a inventé les bas côtés donnant sur le vide. Au bout de 30 minutes, je regarde les cartes : « route interdite aux CC ». Il était sénile le vieux ou quoi ? il savait que nous étions en CC. Il nous a dit « et alors ? c’est un genre de voiture non ? » euh. Ça dépend de quel coté du CC on se place…
« Bon, ben maintenant qu’on y est, on continue hein ». Bon. « ‘tention à gauche ! ». « ‘tention à droite ! » « ‘tention en haut ! » « aaah !! » Voilà le dialogue le plus riche de nos 12 dernières années de vie commune. Un ranger nous croise: “c’est pas hyper conseillé cette route pour les CC » ah bon ? Appelez moi la direction. C’est pas nous, c’est le petit vieux. « Ah comme il est là depuis toujours et que je ne veux pas me disputer avec lui, allez y mais faites gaffes ya des passages étroits et bas… » . Et si je baisse la tête et que je me concentre sur moi-même pour prendre moins de place, ça peut aider ? L’aventura…


Puis on coupe le moteur. Nous sommes seuls. Le silence. Autour de nous, des géants verts à perte de vue. Par un procédé magique, dès l’entrée de la forêt nous sommes transformés en liliputiens. Oui les arbres sont tellement grands qu’on a un rapport d’échelle un peu foireux. Ce sont des séquoias qui peuvent vivre jusqu’à 2000 ans et faire plus de 120 m de hauteur. Très impressionnant. En se baladant, nous sommes émus par la sérénité de la forêt. Ça donne envie de faire des câlins aux arbres pour voir s’ils n’ont pas un petit quelque chose à nous raconter. On se voit dans les forêts d’« Alice aux pays de merveilles », du « Seigneur des anneaux », des « comptes de grimm », avec toute la fascination de notre enfance. Jamais rien vu de pareil. Cette forêt fut aussi le lieu de tournage d’un épisode de « Star Wars ». A vous de trouver lequel.


Certains arbres sont morts et sont de véritables trésors de cachette pour les enfants. Tellement grands qu’ils peuvent s’y tenir debout. Nous nous retrouvons ainsi à 4 à l’intérieur d’un séquoia. Oui la famille lecherf dans un arbre, c’est possible. De dedans on aperçoit un cercle de soleil tout là haut. Si loin. Pour un peu on imaginerait des familles entières de lutins vivant là-dessous. Croyez moi, avec la forêt de saint germain, ça ne fait pas du tout pareil. Le « big tree » local a 1500 ans et fait 8 mètres de long. Pas mal non ?



Puis nous quittons les bois pour une route plus décente. Nous nous perdons un peu car nous cherchons un camping suggéré par l’office du tourisme. On stationne devant une maison le temps de reluquer la carte. Un petit vieux sort de sa maison. Cheveux blancs, lunettes style année 50. Il nous aide en faisant un croquis avec beaucoup d’application. Il nous explique qu’il a élevé 4 enfants dans cette forêt. IL a la voie chaleureuse et calme d’un grand père. La France, Il connaît… un peu. Et c’est là que l’on découvre que nous avons face à nous un authentique vétéran américain de la 2ème guerre mondiale. Un de ceux venus aider la France à se libérer. Il ne doit pas en rester beaucoup. Nous sommes très impressionnés. Quelle chance, cette rencontre. Il faisait partie de l’infanterie. Il se souvient de la date. Le mois d’Août. Des trains. Des militaires français… et puis soudain son regard se perd. Un voile de tristesse ternit ses yeux. Sa voix, ses mots se font plus hésitants… Lentement sa gorge se serre et son souffle devient court. L’émotion l’étreint comme un serpent sur sa proie. Qu’il y a t’il derrière le regard de cet homme de plus de 90 ans ? Quelle souffrance pour un pays qui n’était même pas le sien? quelques secondes irréelles où nous sommes suspendus dans le temps à contempler cet homme aux bord des larmes, qui lutte encore … mon cœur devine et se serre. Maudie empathie….et puis l’instant se casse, il se redresse en remplissant ses poumons d’air comme un noyé ressuscité. Pour ne pas céder aux souvenirs. Pour ne pas montrer. Et dit :« Maintenant j’ai une pension … ». Nous lui disons « merci beaucoup». Et pas que pour la route. Il sourira simplement, l’air entendu.
Arnaud et moi serons émus par cette rencontre et cet échange unique encore longtemps après. Oui vraiment merci, soldat. Que la route est belle quand elle est faite de rencontres aussi inattendues qu’intenses.

Et comme quoi, on peut avoir 90 ans et des souvenirs toujours aussi brûlants à l’intérieur de soi. Belle leçon. On n’oublie rien… rien de rien. Alors autant se remplir de belles choses, non ? Allez hop ! au boulot !






































































1 commentaire:

  1. Une belle page qui nous transporte de nouveau quelques minutes avec vous...
    Bises Eric & Nad.

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