lundi 11 avril 2011

Belize me

Ce matin, nous passons la frontière du Belize. Pour cela, nous devons d’abord quitter le Mexique. Oui, techniquement, il faut quitter une frontière avant d’en passer une autre, sinon on ne sait plus où on est. C’est quand même bien foutu, c’t’histoire.

FrontiereLe douanier est planté dans une cabane en bois avec une fenêtre tellement étroite qu’on ne risque pas de voir son visage en entier à moins de se tortiller par en dessous. Ce n’était pas la peine de se donner tant de peine car le douanier a la tête du mec qui aimerait bien être ailleurs. J’imagine sans peine une bulle au dessus de sa tête comme dans les BD qui trahirait ses pensées les plus profondes : un genre de « umf sgrogneugneu…. »

Comme il commence par vouloir nous dégrafer nos visas des passeports, je negocie avec lui un tampon pour 100 pesos par tête, ce qui nous donnera la possibilité de revenir au Mexique sans devoir recommencer tout le tralala administratif. Il réagit à peine. Il tamponne. « umf sgrogneugneu… »

Puis nous entrons en « zone libre », c'est-à-dire une zone où on n’est plus au Mexique et pas non plus encore au Belize. Middle of nowhere quoi. Ils sont drôles dans le coin, non ? Dès que nous nous garons, deux gars nous sautent dessus et nous demandent des sous pour nous autoriser à stationner. On les envoie balader gentiment. Zallez pas commencer hein les gars. La zone libre est une succession de mini boutiques de fortune où pendouillent des vêtements et de petites chopes où sont vendus des sodas. Entre les deux rien. Nous nous y engageons afin de trouver un distributeur de dollars beliziens. Et on marche, et on marche…Sous une chaleur de dingues. A une banque, le gars chargé de la sécurité nous dit que là, pas de distributeur et qu’il faut aller plus loin. C’est vrai que chercher un distributeur dans une banque, on a eu de l’ambition là. A l’écouter parler, je me dis qu’il s’est trompé de métier : il parle d’une voix si faible qu’on l’entend à peine. C’est pas avec ça qu’il va faire peur aux méchants.

Lassés de marcher sous un soleil de plomb, nous attrapons un taxi moto qui nous mène à bon port en moins de 2 minutes. Le gars porte un casque et nous, nous avons nos mains pour nous cramponner où on peut. Le distributeur nous crache des sous : la reine d’Angleterre est imprimée sur les billets – enfin sa représentation J. Bah oui, le Belize est une ancienne colonie britannique et dépend encore aujourd’hui de la Grande Bretagne.

fumigation du vehiculePuis direction l’assureur. Il nous assure le véhicule au tiers pour une modique somme. L’assurance est obligatoire dans le pays mais n’est disponible qu’au tiers.Pas le choix. Puis plus loin, nous dérangeons deux gars confortablement assis sur leur séant qui se lèvent en soufflant pour « fumiger » le CC à l’aide d’un tuyau qu’ils passent négligemment sous le véhicule. 10 dollars plus loin, nous nous parquons à la frontière bélizienne.

La douanière a oublié d’être aimable. Elle se donne un air de méchante sorcière qui va nous arracher les yeux « je veux savoir ce que vous venez faire ici et précisément quel est votre parcours ! ». Ca donne envie. Des années de travail sur soi sans doute pour afficher un ton et un air aussi antipathique. Nous lui demandons quelles sont les démarches pour l’importation du véhicule. Sa réponse est éloquente : « au suivant ! ».

Nous sommes accueillis quelques metres plus loin par un sosie de Thierry Henri. Il doit être jeune dans le métier car il est super sympa. Il nous explique la procédure puis inspecte le CC avant de nous délivrer le permis d’import temporaire. « pas trop de soucis au Mexique avec la police ? il parait qu’ils sont terribles ? » Petit curieux va. Il nous ouvre la barrière et vogue la galère. Un bol : le gars de l’inspection sanitaire est parti déjeuner, nous allons pouvoir garder notre lait et nos œufs.

Dès les premiers kilomètres, les paysages sont très verts. Au Belize, il y a des blancs, descendants des colons britanniques et hispaniques, des noirs descendants des esclaves, des allemands descendants d’eux même (les Menonites), des asiatiques venus faire du commerce et quelques indiens. On y parle aussi bien l’anglais, que l’espagnol, qu’un espèce de créole anglo-chépaquoi. On peut payer en dollars US ou en dollars Belize. Bref, c’est le pays où on ne comprend rien. Le pays est petit comme la Sardaigne. Nous y resterons seulement quelques jours avant que l’ennui nous emporte.

Arrivés à Orange Walk, nous tentons de trouver le « Malanai tour » pour s’offrir un tour en bateau sur le fleuve qui nous mènera à une cité maya dans la jungle. Le village n’a rien de particulier et nous nous garons sur la placette. Aussitôt un gars prénommé Cliff nous tombe sur le dos. Et que je te serre la main et que je suis à ta disposition et que je vais veiller sur ton CC et que je t’aime. Mouais. Il finira par nous réclamer 5 dollars à notre retour juste parcequ’on a une gueule de caissiers j’imagine. On lui filera 1 dollar pour être sympa.

A la boutique, nous sommes accueillis par le fiston du patron qui-comme le chantait Anny Cordy- aimerait bien ouin ouin ouin, mais il peut point- et nous demande de revenir dans une heure. Soit. Nous en profitons pour faire quelques courses et nous revenons. Sur la route, un supermarché tenu par des asiatiques nous fait de l’œil. Supermarché, il faut le dire vite. Ça ressemble à un hangar avec des trucs alignés dedans. Je tente de prendre dans un frigo, des yaourts à boire. Tous périmés. En me retournant, j’aperçois par terre, des caisses de yaourt non déballés qui attendent sagement au soleil. Je me tourne vers la viande. En vrac dans les congélos, pas très nets. Ca appartient à quelle bestiole dites ce bout là qui dépassent madame ? La madame en question est occupée à ranger des trucs dans son rayon tout en engueulant quelqu’un. A moins qu’elle ne parle toute seule. Ou alors elle fait l’animation sonore du magasin à elle toute seule, chépa. Bon. Nous repartons avec un paquet de biscuit et du coca….pas terrible. « elle est où la rigueur asiatique légendaire, hein ? » pas dans ce magasin en tous cas.

De retour sur la place, nous stationnons cette fois devant un magasin avec l’autorisation du propriétaire. Au moment de repartir, un gars avec une casquette « sécurité » déboule en ouvrant la porte côté conducteur et en exigeant des sous car interdit de stationner. Cette fois on l’envoie balader royalement. Bienvenue au Bélize. « ‘tain ça va être tout le temps comme ça, des mecs qui veulent de l’argent ! ». Ouais un tantinet gonflant à la longue.

Nous allons coucher chez « Victor’s inn »,un genre de restaurant avec un grand parking derrière équipé en eau et électricité. Un peu dépotoir car des carcasses de voitures se trouvent deci delà et des tas de trucs non identifiés. Alors que la nuit tombe, les moustiques nous attaquent violemment. Le contenu du frigo étant proche du néant, nous allons diner au restaurant. La question « ya t’il des frites pour les enfants ? » provoque une dispute entre la mère et la fille. L’une dit oui , l’autre non. Eh ! on va pas se fâcher pour des patates si ? une friteuse ayant dénoué le conflit familial, nous dinons de crevettes, porc et riz. Pas mauvais. La propriétaire raconte sa vie à un Arnaud tout ouïe. Il revit : enfin une langue qu’il comprend ! Nous dormons mal car il fait très chaud et la nuit est bruyante : oiseaux, chiens, voitures, et un salopio de coq… on n’était pas mieux au Mexique, dites ?

balade en bateau sur le lamanaiA 8h30, le Fils d’Antonio vient nous chercher dans son van pour nous mener en bateau. Enfin, nous mener jusqu’au quai. Nous embarquons sur un rafio avec quelques autres touristes américains. La ballade en bateau va durer 2 heures et le guide nous montrera singes, crocros, oiseaux de toutes sortes en faisant quelques arrêts deci delà. Puis nous arrivons au site archéologique. D’abord le déjeuner, fourni par l’agence. Poulet Bélizien avec riz-haricots noirs, bananes cuites et crudités. En boisson : jus de pazteque, jus de melon et jus de papaye. Déjà que la papaye a une odeur de vomi quand elle est mure, ben à boire c’est pareil. Dégeu. Le repas est plutôt bon mais un peu juste pour tout le monde. Sauf pour le guide qui –pas fou- s’est servit en premier et bien copieusement. Le bateau, ça creuse.

Il fait une chaleur de dingue. 37 degrés. Pas un pet de vent. On se traîne comme des limaces en rêvant d’une piscine. Aux toilettes, j’entend la diarrhée de ma voisine. Un grand moment.

Le guide nous réclame 10 dollars par tête pour acheter les billets du groupe. Quand on les lui réclame par la suite, c’est étrange, il n’en a pas pour tout le monde. Une petite comm’ au passage monsieur sans doute ? Le guide est intéressant mais ses explications sont trop longues : entre 20 et 30 minutes devant chaque pierre, sous le soleil, je vous le recommande. Et moi pas comprendre l’anglais bélizien. L’accent créole est fort et je chope un mot sur trois. Arnaud tient là sa revanche : lui il comprend. Non ??? si !!! et comme dit Patrick « c’est par ce que c’est de l’anglais pour dyslexiques qu’il comprend ! ».

MenonitesSur le site, arrive un groupe de ménonites. Ces blancs d’origine allemande sont très pratiquants mais ça n’a pas l’air de rigoler tous les jours. Les femmes de tout âge, y compris les fillettes, portent la MEME robe noire longue à fleurs avec le MEME chapeau de paille et le MEME foulard pour cacher intégralement leurs cheveux. Ce foulard est blanc quand elles sont à marier et noir quand elles sont casées. A les regarder, pour certaines, c’est pas gagné pour le mariage…Les hommes eux, se sont inspirés de Charles Ingalls : chapeau de paille (le même), salopette en jean (la même) et chemise (idem) et bottes. Les petits garçons sont comme leurs papa sauf que la chemise est verte. Impressionnant de les voir arriver. Une vrai secte. Quelqu’un leur a-t-il dit que Charles Ingalls était mort depuis longtemps ?

Ils n’utilisent pas le caoutchouc dans leur vie quotidienne, c’est comme ça. Est-ce que c’est pour ça qu’ils ont –en moyenne- 14 enfants ? Le guide me dit : c’est la communauté qui grandit le plus vite au Bélize. Sans blague ?!

Je suis cependant admirative que l’on puisse encore aujourd’hui avoir des valeurs d’un autre temps et que l’on puisse les conserver si longtemps tout en se mélangeant aux autres communautés. Ne leur dites pas qu’on a envoyé des gens sur la lune…eux ils n’utilisent même pas l’électricité… le choc serait trop violent.

Au retour, le guide doit être équipé de lunettes spéciales car il voit des bestioles planquées dans les arbres que nous ne voyons que difficilement.

Après une nuit dans notre pseudo décharge, nous prenons la route vers le sanctuaire Baboon. A 8h30 il fait déjà 27 degrés et 4 heures plus tard, nous avons pris 10 degrés de plus. Heureusement que l’on roule et que nous vivons une grande histoire d’amour avec notre clim.

singes hurleursArrivés sur les lieux, le village est réuni autour de joueurs de cricket. Et ça crie et ça se marre de bon cœur. Une femme nous accueille « we are so happy to have you here guys ! ». Elle fait partie du sanctuaire baboon et nous autorise à nous garer pour la nuit devant. Moyennant sous évidement. Le soleil nous écrase, la chaleur nous ramolli. Avec un guide, nous allons en ballade en pleine jungle pour aller voir les singes. Ceux-ci sont réunis en grappes sur des arbres, certains trimballent des bébés sur leur dos tout en mangeant des feuilles tendres. Les enfants s’extasient devant le spectacle. Quand ces singes se mettent à défendre leur territoire, ils se mettent à souffler et à grogner de façon très sonore.

De retour au CC, nous voilà désoeuvrés à 16H30 du soir. La température s’accroche à notre peau. Nous jouons alors au rami avec les pomels. Le lendemain, après les devoirs, nous partons vers San Ignacio. Le paysage est mortel d’ennui. Du vert, du vert… pas de relief, que dalle. Le pays n’est pas, il faut le dire d’une beauté fracassante. Nous croisons une course de vélo précédée par des motards qui nous font des signes de la main (comme le fait la reine d’Angleterre) pour nous demander de nous pousser. Voire nous arrêter. Et le peloton passe. Ils sont au courant qu’il fait 40 degrés ?? pourquoi se faire du mal comme ça ? des pêchés à expier ou quoi ?

A San Ignacio, des familles entières barbotent joyeusement dans la rivière parmi des petits poissons et des algues. La sono est a fond et passe des tubes de tous pays. Des gars jouent aux dominos bien à l’ombre sous leur palapa. Certains dégustent des glaces et des morceaux de fruits achetés aux petits vendeurs ambulants. D’autres discutent assis sur leur derrière en plein milieu de la rivière. C’éty pas mignon tout ça ? Les garçons se précipitent dans l’eau. Il fait 40 degrés ne l’oublions pas. Plus tard ils essaieront d’attraper les mini poissons de la rivière avec des bouteilles en plastique.

Près de la rivière quelques marchands de fruits et légumes font commerce. Nous y achetons concombres, melons, patates, pommes, bananes et oignons. Tout est cher au Belize. Un des pays les plus chers d’Amérique centrale. Les pommes sont presque un produit de luxe car elles viennent du Canada : 1 euro pièce !

Comme nous ne désespérons pas d’acheter quelque chose de consistant à manger, nous allons de nouveau dans un supermarché asiatique. Le premier qui nous tombe sous la roue. Cette fois, il a l’air moins cradoc. Je vérifie toutes les dates sur tous les produits. Mais comme les supermarchés ont la taille d’une supérette et que tout est réduit à l’essentiel, nous ne trouvons pas grand-chose à part des pâtes, du pain et des yaourts. En passant en caisse, la gérante crie et engueule quelqu’un. Elle a l’air colère. C’est une spécialité locale ou quoi ? Chaque produit qu’elle enregistre est envoyé valser un plus loin. On dérange ou elle veut nous fracasser tous nos achats ? Soudain une poule enfermée dans un carton s’enfuit à grands coups d’ailes et de « cot cot », faisant hurler de peur Virginie. « ouh ! c’est quoi ce pays ?? ». Un gars la rattrape et la remet dans son carton. A mon avis, la fin est proche.

Au camping –sommaire – la température chute le soir. Un grand bonheur. Les sanitaires sont cradocs et en y entrant, il vaut mieux vérifier plusieurs fois si les petites bêtes n’y logent pas. La preuve : une véritable tarentule y a élu domicile et vous observe de tous ses yeux .D’un air placide. Enfin je crois. Trouver un air placide à une tarentule, je vous l’accorde faut le faire.

Parfois je suis surprise par l’intensité de nos dialogues familiaux. Un soir, nous entendons un cri. « c’est quoi ce cri ? » s’interroge Gabriel. « c’est un gecko » répond Arnaud. « C’est quoi un gecko ? » « une sorte de petit lezard » « et pourquoi il crie ? » » bah chépa, ça doit être son cri d’attaque » « pourquoi, il va nous attaquer ?! » paniqué. « mais non, qu’est ce qu’il s’en fout le lézard de nous » ; « et ça a de la salive comme des iguanes, les geckos ? et ça mange des moustiques ? » « tu sais Gabriel, je ne suis pas expert en gecko ». « c’est quoi un gecko ? » « ….. ?! c’est ce dont on parle depuis tout à l’heure ! ».

10 heures du matin et ça cogne. Encore 15 kilomètres et nous passons au Guatemala.


1 commentaire:

  1. Bravo Estelle pour ce récit toujours aussi passionnant entre les doutes, les surprises et les joies, avec sa note d’humour décapant – Je suis à distance votre épopée fantastique un peu comme je lis les BD d’aventure ;-) j’attends toujours avec impatience le prochain épisode : " Vous 4 au Guatemala !"

    RépondreSupprimer

N'hésitez pas à nous faire par de vos commentaires!