lundi 27 septembre 2010

On the road again

Nous quittons Winnipeg le lendemain matin. Le petit Jésus s’est amusé toute la nuit à tartiner le ciel de pâte à nuages. Visiblement, il s’en est donné à cœur joie car des nuages, il y en a sur des centaines de kilomètres.

C’est moi qui conduit ce matin. 100 km/heure maximum autorisés. Le paysage d’une platitude à pleurer. On se croirait en Belgique (oh ! pardon). Des champs. Des champs. Des prairies. Des champs. Au bout de 5O km, Arnaud se sent obligé de pencher une tête pour me dire « ah au fait, à partir d’ici on ne va voir que des champs ». Aaaah d’accord. Je regrette un peu la magnifique route que nous avions eue jusqu’alors avec ses lacs et ses érables. Puis Arnaud me demande de passer à 90 km/heure car il va donner ses cours de sciences et de Maths et qu’au-delà on doit crier comme en discothèque pour se faire entendre dans le CC. OK. Si c’est comme ça je mets mon Ipod et enfile ma combinaison d’autiste.
Le paysage est monotone. Oh ! que dis-je ! une moissonneuse batteuse ! Délire. Une ferme ! Des silos à grain ! ouh ! c’est la fête ! oh et un renard ! ah non, il est écrasé dégueulasse. J’ai rien dit.




Alors pour tromper l’ennui, je regarde les nombreux playmobils que nous croisons sur la route. Ils creusent, ils raclent, ils ratissent, ils aplatissent, ils coulent le béton. Celui que je préfère, c’est celui qui a le job le plus épanouissant du monde : le gars qui tient le panneau « slow/stop » toute la journée. C’est lui la vedette : on le voit toujours en premier. D’ailleurs je ne m’explique pas pourquoi lui aussi a un casque de chantier. D’autant qu’il est plutôt à des centaines de mètres du chantier et que tourner un panneau un coup à droite, un coup à gauche, ça ne parait pas très périlleux. Je ne sais pas comment ils font ces gens là à être frais comme des gardons car en France on s’amuse plutôt à en faire des strike en roulant dessus avec sa voiture. Il doit y avoir un programme canadien spécial « sauvons les petits bonhommes de la route ». C’est pour ça.

Tiens v’là maintenant que le petit Jésus nous pisse dessus. Toute une éducation à revoir je vous le dis.
Malgré mes écouteurs j’entends tout : « broooooooooom » (le camion de 10 tonnes qui dépasse), « fshhhhhhhh » (le vent sur les côtés), schprouiiinnz (les insectes suicidaires), « c’est bon, je te dis que j’ai compris ! » (Gabriel qui s’exprime), « clink clink clink » (la vaisselle qui s’énerve), « j’peux aller aux toilettes ?? » (Mathis qui s’exprime), « Glonk glak » (le bruit de la chasse d’eau des WC), « tic tic tic » (la pluie qui toque), « la terre est divisée en deux hémisphères… » (Arnaud qui bosse), « sgrogneugneu » (moi).

Et on roule ma poule. Qu’est ce qu’elle roule la poule ! (En 48 heures, nous changeons 2 fois d’horaire. C’est chic non ?) Au bout de 400 km, oups ! j’avais pas fait gaffe : le réservoir est presque vide. Vite faisons le plein. D’autant que nous sommes dans une zone où il y a un signe de vie tous les 100 km. Nous arrivons chez Esso, une de ces stations où un gars nous sert en carburant. Enfin normalement. Sœur Anne ne vois-tu rien venir, nous nous lançons dans notre remplissage comme des grands. Au dessus de la pompe, un gros panneau « DIESEL ». A gauche, diesel low engine chépaquoi. A droite régular. On hésite. On à déjà eu à faire à deux types de diesels proposés. On veut le diesel basique nous. On met du regular alors. Ça sonne « normal ». Une nana arrive : c’est elle qui doit nous servir. En fait, je saurai plus tard que c’est une tarte molle déguisée en nana. Elle « nous avait pas vu ». C’est ça. On est les seuls clients à 100 km à la ronde. Concentre toi ma grande.

Pendant qu’elle continue de faire le plein, je vais aux toilettes. En revenant un doute violent m’assaille. Arnaud, « regular », t’es sûr que c’est du diesel? Bah non chépa moi. Madame, regular c’est du diesel ?. Bah non et elle se casse vite fait en disant « c’est vous qui l’avez fait, pas moi !! » Oh meeeeerde !!!! c’qu’on est cons! Il y avait une connerie à ne pas faire et on l’a faite ! on a mis de l’essence au lieu de diesel dans le réservoir. 66 litres. Pas moins. Damned. Appelez les secours. Achetez nous un cerveau et un dictionnaire français/anglais ! La fatigue du soir et cet énorme panneau « diesel » juste au dessus des deux pistolets nous ont induits en erreur ! Merde ! qu’est ce qu’on fait ? Pas de panique. On n’a pas démarré le moteur. Le CC peut être « sauvé ».

La nénette rase les murs et fuit le regard tout en servant les autres clients. Je paye et lui demande ce qu’on peut faire « chépa moi ! ». La reine des quiches je vous dit. Elle nous évite. Je lui cours après : « Nous avons un gros problème ! nous avons besoin de votre aide ! ». Elle se débarrasse de nous en nous indiquant du doigt un garage au loin et en repartant vite fait. Ok bon, on va se démerder tous seuls. Un peu furax devant si peu de solidarité, nous poussons le CC quelques mètres plus loin. 3 tonnes 5, c’est pas facile mais on y arrive. Par chance nous avons 2 bidons dont 1 de 30 litres et un de 20. Selon les estimations d’Arnaud, le réservoir contient 80 litres. Merde. Pas assez. On a 2 packs d’eau fraîche de 10 litres. Bon c’est un début. Il faut les vider. Arnaud entreprend ensuite dans l’heure qui vient, de siphonner le réservoir à l’aide de sa bouche, de son courage, et du morceau de tuyau de jardin qui nous sert pour faire le plein d’eau. Au début, ça marche bien. L’essence ressort et nous remplissons les bidons de 50 litres. Arnaud est obligé entre deux, de relancer le mouvement en aspirant à pleine bouche. Le pauvre crache des verres entiers d’essence à chaque fois. Le tout ponctué de « oh c’est dégueulasse », de crachats, de réflexes de vomissements. Sauf qu’au bout de ces 50 litres, plus rien ne veut sortir. Le
réservoir est coudé. Que faire ?


J’attrape un camionneur qui rejoint son engin. C’est un anglais échoué au canada. Il appelle un de ses collègues. J’imagine le mec au bout du fil « ils sont vraiment cons ces français ouarf ouarf ouarf ». En raccrochant le gars nous dit qu’il faut purger tout le système et que nous ferions mieux d’appeler un dépanneur. Y en a un à ½ mile d’ici. Au passage il nous dit de ne pas nous emmerder avec la nature, qu’on a qu’à vider l’essence où on veut. Pardonnez le, c’est un anglais. On décide de se rendre au garage à pied, non sans avoir mis une polaire et un blouson. Il commence à faire froid. 10 degrés. Nous arrivons au garage 5 minutes avant sa fermeture, quelle chance ! Le patron, sa secrétaire et son employé nous regardent avec un air compatissant, les sourcils en accent circonflexe. Oui il faut tout enlever pour ne laisser que 5% d’essence. Oui il faut le faire avec un tuyau. Non, nous ferons pas mieux que vous. Heureusement que vous n’avez pas allumé le moteur. Bon courage. Et ils nous donnent 2 bidons usagés. C’est déjà ça. Je n’aurais jamais crû devoir converser cambouis et autres joyeusetés de garage en anglais un jour. Comme quoi tout arrive. Sur le chemin du retour, on commence à se dire que c’est super mal barré.

Bon Arnaud retente. Rien. Encore et encore. Il bouffe de l’essence mais ça ne prend pas. On essaye différentes longueurs de tuyaux des fois que ça n’arrive pas assez au fond du réservoir. Rien . Je commen
ce à m’inquiéter pour Arnaud. A chaque fois qu’il fait une nouvelle tentative, il regarde le bout du tuyau comme un ennemi juré. « J’en peux plus là ». Il pue tellement l’essence que je surveille que personne ne vienne fumer à côté de lui. Il a la tête qui tourne et envie de vomir. Je fais aussi quelques tentatives en absorbant des vapeurs d’essence. Le reste du temps je grimace en chœur avec Arnaud. Dégueulasse. Mathis passe une tête de temps en temps et nous tient à jour sur la vie de ses pokemons. Chacun son monde. Cela fait 2 heures qu’Arnaud s’acharne et toujours 50 litres d’extraits.

Il fini par décider de démonter l’arrivée d’essence au niveau du réservoir sous le CC. Pas le choix. Malgré un maigre tapis en caoutchouc que nous avions dans nos bagages, Arnaud est à même le sol, en pleine boue. Heureusement il a cessé de pleuvoir quelques temps plus tôt. Il fait froid, la nuit tombe. La cruche de service, nous surveille du coin de l’œil. Elle m’énerve. Si elle était arrivée plus tôt, elle aurait fait son boulot et on aurait pas eu de problème. Je sais, c’est pas que ça, mais ça compte. Je rentre dans la boutique pour me laver les mains. Elle s’empiffre de barre chocolatée derrière son comptoir. Pendant ce temps là Arnaud se bat avec sa clé à molette et son tourne-vis. La bête ne se laisse pas faire et je vois le moment où il va dire « je n’y arrive pas ». Et puis si. On glisse des bidons coupés en deux sous le véhicule pour récupérer ce qui coule. 20 litres supplémentaires. Plus que 10 mais, rebelote, plus rien ne sort. Alors que le jour tombe et qu’il fait 8 degrés, Arnaud tel un héros, retente le « bouche à tuyau » directement depuis l’arrivée d’essence. Bingo. 5 litres supplémentaires. Au total, il aura réussi à extraire 77 litres sur 80. Pas mal.

Il fait nuit. Après avoir reboulonné ce qui doit l’être, il reste à remettre le CC près de la pompe. Et voici la famille Lecherf au complet qui pousse avec ses petits bras le CC. 3 mètres plus loin c’est l’arrêt. Ya une montée. « va faire du charme à un gars et demande lui de nous aider ». Faire du charme. C'est-à-dire ???. Je rentre dans la boutique. L’andouille bouffe des gâteaux derrière sa tablette. Notre sort ne l’intéresse pas une seconde. Un coin est aménagé en restaurant fast food avec deux tables. 2 familles se goinfrent de hamburgers. Je me sens aussi sûre de moi que si je devais sauter à l’élastique. Demander de l’aide, finalement n’est pas facile. Je jette mon dévolu sur un dos baraqué. Je lui demande s’il peut nous aider à pousser le CC. 5 minutes entre 2 cheeseburgers c’est possible ?. Il regarde sa bonne femme qui lui fait un OK de la tête. On voit qui porte la culotte dans le couple. Il se lève et en le voyant de face, je me dis que le côté baraqué n’est peut être pas dû aux muscles…

Avec son aide, le CC stationne 5 mn plus tard à la pompe. Cette fois on attend mère greluche.
« oh pardon j’étais aux toilettes ». Elle me gonfle vraiment. Et puis l’heure de vérité arrive. Saint camping-car, priez pour nous. Le moteur démarre nickel. Même pas mal. OUUUFFF.
On repart après 3 heures de galère, en pleine nuit, gelés jusqu’aux os, puant l’essence, tous boueux mais sou-la-gés. Nous déposons les bidons pleins au garage avec leur autorisation.

Nous roulons encore 200 km puis nous stationnons devant wal mart. Arnaud part s’acheter chewing um et sodas pour faire partir son goût d’essence dans la bouche. Peine perdue. Une bonne douche chaude nous fait du bien. L’ajax annule l’odeur d’essence sur nos doigts. Il faudra bien 2 jours pour que l’odeur d’essence parte définitivement du CC. Son organisme fera payer cash à Arnaud ses petites folies pendant 48 heures. Une bonne lessive et ça va mieux.

La nuit il fait froid. Encore. Arnaud m’annonce 3 degrés pour la prochaine nuit, au parc des dinosaures. Je lui fait les yeux du chat botté dans Shrek 1. Il craque. « OK va les acheter tes couvertures ». J’en prend des « extrêmement chaudes ». C’est écrit sur l’étiquette.
Ce matin, il fait très beau. Le paysage s’illumine.
Les champs sont dorés et s’étendent sur des hectares et des hectares. Toute une palette de jaune à vert foncé défile sous nos yeux. Les arbres ont des reflets changeants. Les meules de foin, les silos gris, les fermes aux murs rouge : tout devient «artistique ». On se croirait dans un tableau Impressionniste. C’est très beau. Arnaud s’extasie « Roooh, je trouve ça hyper beau, regarde ! » Comme quoi avec le soleil, la vie devient plus belle. Sachant cela, pourquoi ne vit t’on pas tous dans le sud ? hein ?
Le soir, l’ombre du CC est projetée sur les champs de blé. Ça plait beaucoup à Arnaud. Moi je me dis qu’ici, ils sont en rupture de stock d’ours. Du coup ce sont les vaches qu’ils peignent en noir. De loin, ça fait pareil.


Nous roulons 150 km de nuit car nous voulons nous réveiller au parc des dinosaures. C’est là que les plus nombreuses découvertes fossiles du monde ont été faites. Arnaud évite 2 grosses moufettes. La nuit, on a bien chaud avec nos couvertures. A 7h30, arnaud est déjà dehors, parka sur le dos, appareil photo à la main pour voir le lever de soleil. J’ouvre les volets de notre fenêtre, au pied du lit. Ooooohh. Bien au chaud dans ma couverture, je regarde le lever de soleil sur « le parc des dinosaures ». Incroyable. A perte de vue, un paysage lunaire verdoyant fait de collines, de butées, de strates de terre aux couleurs ocres, des centaines de galeries creusées dans la prairie par l’eau…Un silence fou. Et le soleil qui dessine une ligne jaune orangée sur l’horizon. Un instant magique. Nous sommes seuls.

Après le petit dej, nous partons en balade. Incroyable, il fait 26 degrés. Pas très loin car des panneaux nous menacent de serpents à sonnettes, d’araignées noires et de scorpions. Nous passons la journée ici comme suspendus dans le temps avec une sensation incroyable d’être minuscules. Un retour aux origines, quand nous, humains n’existions pas encore.
Plus loin, un véritable fossile de dinosaure est exposé à même la terre à l’endroit même où il a été découvert. Il est géant. Il date de 75 millions d’années. Trop pour vraiment se rendre compte. Mais tout de même, nous sommes, il faut l’avouer très impressionnés. Les uniques fossiles que nous avions vu de notre vie étaient dans des musées. Pas dans cet environnement unique avec un dinosaure mort exactement à cet endroit. Dans l’échelle du temps, nous ne sommes rien.

Dans la foulée, nous allons également au « Royal Tyrrell museum », un des plus grands musée du monde dédié aux dinosaures. Ces bêtes là, je l’avoue, ne m’ont jamais vraiment passionné. Mais j’en suis sortie bluffée. Ils m’ont eue jusqu’au trognon. Il faut dire que les musées américains sont extrêmement bien conçus : les présentations sont soignées, ludiques, high tech ... Ici, nous découvrons pratiquement tout ce qui a existé il y a 75 millions d’années. Du plus petit moustique fossilisé dans une pierre au plus grand tyrex (même mort, il n’a pas l’air commode). Tous les types de dinosaures sont exposés y compris ceux marins ; en somme tout ce qui nageait, courrait, volait, rampait et que sais je encore, sont là. Ils ont été trouvés dans la région. Certains ont été découverts par des archéologues, d’autres par des gens normaux ;) et même 2 étudiants lors d’une partie de pêche (tu pars chercher des poissons, tu reviens avec un dino, classe).

Une petite vidéo me fait marrer. Le gars qui est filmé, renverse un carton plein d’ossements et dit « plein de gens nous ramènent sans cesse des os de toute taille. Mais ce ne sont pas tant les os qui sont découverts qui sont intéressants, c’est l’endroit où ils ont été trouvés ». J’imagine illico la scène. Monsieur et madame tout le monde avec leur nonos à l’entrée du musée tout fiers et le gars de la vidéo se dire « eh ! merde ! ça va encore finir dans le carton ! ».
Parcourir ce cimetière géant, est bien intéressant mais, intellectuellement on a vraiment du mal à se rendre compte que les os figés dans la pierre que voilà, datent de quelques millions d’années. Des millions ! Comment voulez vous qu’on s’en sorte ? Même en les regardant intensément… rien. Alors au bout du 3 ou 4 ème squelette, quand on les regarde, on aimerait bien qu’il se passe un truc. Genre qu’ils se mettent à bouger, juste un chouille pour voir. Ou que d’un coup on puisse imaginer leur vie de bouffeur-bouffé. On essaie de les imaginer avec des muscles et des poils parce qu’en squelette, c’est un peu court. Et puis au bout de 2 heures, un peu frustrés par notre manque d’imagination manifeste, on se dit que les dinosaures, on ne les verra jamais autrement que tous crevés dans une pierre ou lustrés à l’huile et accrochés à des clous. Vaut mieux ça remarquez…

Plus de photos en bas…bises




















2 commentaires:

  1. je suis avec beaucoup de plaisir le roman de vos aventures dans la pampa canadienne, l'écriture est passionnante ponctué d'humour malgré les mésaventures. tenez bon car après les très très monotones prairies, ce sont les Rocheuses ... aussi j'ai eu l'occasion de réaliser cette traversée du canada et je vous conseille une halte ou un petit détour au parc national des lacs - Waterton (à 270 km au sud de Calgary) : voici un lien pour + de détails : http://www.linternaute.com/voyage/canada/parc-naturel/le-parc-national-des-lacs-waterton/
    un parc naturel époustouflant (on se sent tout petit ...)
    bon rdv avec Dame Nature puissance 1000

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  2. ah la la, cette histoire avec l'essence... heureusement que tout s'est bien terminé et félicitations à ton homme car fallait le faire !

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